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ADIEU POUPÉE

Conception et interprétation Jeanne Mordoj

Mise en scène de Julie Denisse

Texte Julie Denisse et Jeanne Mordoj en collaboration avec François Cervantès 

C’est l’histoire d’une femme qui crée des poupées depuis qu’elle est enfant. Faire des poupées est pour elle une façon de transfigurer le monde. Un monde sans loi, organique, archaïque, un monde brut, sauvage, sans tabou. 

Les poupées qu’elle fait sont tordues, ensanglantées, rapiécées, parfois difformes, jamais achevées. On peut voir dans certaines un cri de détresse, dans d’autres de la violence, de la provocation, de la grâce aussi et de la drôlerie. 

Les poupées sont investies et chargées d’émotions et d’états que cette femme ne vit pas, qu’elle n’arrive pas à vivre avec les autres et qu’elle a même du mal à accueillir en elle-même. 

 La création est pour elle un endroit de repli, un lieu sûr, une matrice et, pendant des années, ça lui suffit. Un monde sécurisant qui masque la faille. Et plus le temps passe, plus elle s’isole et se coupe du monde. Ce qui a été si important, constructeur et salvateur devient un frein, un empêchement au développement de sa vie. Le sens de la fabrication était de boucher un trou, une béance, mais ça ne marche plus. Plus elle en fait, plus le trou s’agrandit et plus il faut de poupées pour boucher ce trou, c’est sans fin. Quand arrive le moment de remettre en question des fonctionnements profonds qui nous constituent et sur lesquels nous nous sommes construits, on a le désir fou de broyer le passé, de détruire ce qui a été notre béquille, ce qui nous a sauvé et qui maintenant nous perd.

 

C’est à ce moment précis que nous assistons. Elle décide de sortir de l’hypnose, elle va tenter de récupérer tout ce qu’elle a investi dans les poupées, tout ce qu’elle y a mis d’elle-même et qu’elle n’a pas vécu. Elle quitte ce qu’elle a construit tout en récupérant sa force vitale, son noyau atomique. On assiste à un transfert, à une incarnation pour finalement laisser les poupées comme des enveloppes vides. Elle va reprendre ce qui lui appartient, l’intégrer dans sa chair. Coudre son nom sur sa propre peau et aller voir le monde, se confronter au langage, aux êtres humains, à la relation.

© Marie Frécon

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